samedi 5 novembre 1994

Contine pluvieuse


Série "Chao ab Ordo" - Acrylique - Iso Bastier 


Contine pluvieuse

 

 

La pluie mélancolique

Se suicide en musique

Elle éclate en sanglots

Pour former un ruisseau

 

Tu lui tends la main

Comme pour l'arrêter

Elle file son refrain

Entre tes doigts mouillés

 

Tu retiens quelques gouttes

Un instant d'égarement

Puis elle reprend sa route

Cherchant des faux-fuyants

 

La pluie acrobatique

Tiens la barre matelot ! 

Ne coulons pas boutique

Méfie-toi de ses flots

 

Tu lui tends la main

Comme pour t'excuser

De lui faire du chagrin

De la voir tant pleurer

 

Mais elle n'écoute pas

Bien trop préoccupée

À tomber bien plus bas

Pour se laisser couler

 

La pluie est ironique

Elle peut être toxique

Elle n'aime que la chute

Le saut en parachute

 

Tu lui tends la main

Comme pour la prier

De cesser pour demain

Que belle soit la journée

 

Tu ne sais la convaincre

Elle ne veut rien savoir

Le soleil ne peut vaincre

Les nuages trop noirs

 

La pluie systématique

À l'âme romantique

Elle recherche un amour

Qu'elle a perdu un jour

 

Tu lui tends la main

Comme pour la consoler

À tout est une fin

Et il faut l'accepter

 

Mais elle redouble encore

En colère et en force

Vengeant son triste sort

Par l'orage qu'elle amorce

 

 

Iso Bastier

5/11/94


jeudi 3 novembre 1994

Laisse-moi croire




 Laisse-moi croire


Laisse-moi encore croire
Aux loups et aux anges
Au cœur des Vierges Noires
Au concert des mésanges

Laisse-moi encore croire
Une minute et c’est tout
Même si c’est dérisoire
Si la fin est partout

Je veux de la joie
Des campagnes fertiles
Qui réchauffent le froid
De mes rêves inutiles

Des  maisons de feuilles
Pour revêtir les mondes
Des enfants que l’on cueille
En des bouquets de rondes

Laisse-moi encore croire
Qu’on peut savoir aimer
Sans que tout vire au noir
Sans que tout soit brisé

Laisse-moi encore croire
Qu’il y a un avenir
Dans un vent de foulards
Comme pour se souvenir

Je veux des mers de cils
Qui ouvrent leurs paupières
Pour me dire : c'est facile
De toucher la lumière

Des plages sans soleil
Recouvertes de neige
Des flocons d’abeilles
Des essaims roux et beiges

 Laisse-moi encore croire
 Je ne saurai vieillir
 S’il n’y a pas de phare
 Dans ces nuits sans plaisir

 Laisse-moi encore croire
 Laisse-moi vulnérable
 Apprendre c’est savoir
 Surtout l'indispensable

Je veux des plaines souples
Qui se vendent aux saisons
Qui s’adorent, s’accouplent
Riches de leur union

Des forêts de couleurs
Bruissantes de brise
Un vent voyageur
A la route indécise

Laisse-moi encore croire
À ces  voeux que l’on fait
Aux prières du soir
Qui n’ont rien de concret

Laisse-moi encore croire
Aux fêtes de l'enfance
Qui donnent de l’espoir
Juste avant la démence

Oui ! je veux des fleurs !
De belles immortelles
Renaissantes à chaque heure
Sans être artificielles

Je veux tout de toi
Tout ce que tu caches
Ce que je n’aurai pas
Sans que tu te lâches

Laisse-moi encore croire
Que tu as de l’amour
Et qu’il n’est pas trop tard
Pour en faire le tour

Laisse-moi encore croire
Aux loups et aux anges
Au cœur des Vierges Noires
Même si ça te dérange



3/11/1994