Mutation
S'il suffisait de regarder le ciel
Pour s'élever, se soulever,
S'il nous poussait des ailes
Pour nous apprendre à s'envoler.
S'il suffisait d'avoir deux pieds
Pour rendre à la terre ses honneurs,
Se fondre à notre réalité
Pour qu'elle ne soit pas un leurre.
J'ai marché sur les chemins
Que mes visions avaient créés
N'y trouvant que des mains
Juste prêtes à frapper.
Que de ronces poussent ici,
Dans ce climat presque tropical
Des grandes villes d'asphyxie
Qui passent à l'heure végétale.
Les hommes comme les plantes,
Posés dans leurs appartements,
Se laissent pousser, fermentent
D'étranges comportements.
Ils en ont oublié le ciel
Qui a nourri quelques espoirs.
Depuis l'enfance artificielle
Ils ont appris à ne plus voir.
Ils en ont bafoué la terre.
Cœurs de béton, de ciment.
Serait-ce l'effet de serre ?
Ils dorment en vivant.
Dans cette crasse plus qu'animale
Qui ne laisse place à l'illusion,
Les croyances tendent vers le mal,
Les excès et la répression.
Tournés vers de futures saisons
Nous régressons pourtant sans fin.
Pensez aux grandes civilisations
Qui connaissent désormais la faim.
Nous croyons avoir des réponses
Qui mettent à mort le divin.
Mauvaises herbes et ronces
Ont elles aussi un destin.
S'il suffisait de regarder le ciel
Pour se faire un bel horizon !
C'est comme de balancer du sel
En cas d'affreuses prévisions.
Il faut avoir les pieds sur terre,
Savoir se servir de ses mains.
Donnant trop foi à la poussière,
Nous ne sommes plus humains.
J'ai rencontré des créatures
Qui ignoraient ce qu'elles étaient.
Il y a de toutes les natures,
Il y a de tous les déchets.
Nombre de métamorphoses
Peuplent la nuit de nos cités.
J'y ai vu souvent des choses
Qui m'ont fait regretter...
D'avoir connu la fange,
Ses galeries, son labyrinthe,
Ces endroits où tout dérange,
De l'horreur et des feintes.
Des corps endommagés
À la perdition des esprits
Qui ne sachant plus où s'échouer,
Tournent à l'infini
Dans le si peu d'espace
Qu'ils ont pu s'octroyer,
Qu'ils se tiennent en rapaces
Où se laissent noyer.
Certains ont vu le ciel
De si près à vrai dire,
Icares intemporels
Je les ai vu mourir.
D'autres, amants de la terre
Se sont plantés d'un coup
Souvent dans un cimetière.
Ils auront fait leur trou.
Je marche sur le chemin
Que ma vision vient de créer.
Je vis au jour de demain,
Le présent ne m'a pas maîtrisé.
J'évite souvent le lierre,
Les trop de générosité,
Ils cachent souvent la pierre
Comme seule vérité.
Il me suffit de regarder le ciel
Pour entendre ses messagers.
L'imaginaire est bien réel
Quand on parvient à le fixer.
Je retourne vers ces terres
Qui jugent sans compromission.
J'ai peur de savoir qui je sers
Au bout de tant de mutations!
Iso Bastier
8/07/2000