samedi 8 juillet 2000

Mutation

 


"Naissance" - [55X38] - Huile - Iso Bastier 



Mutation

 

S'il suffisait de regarder le ciel

Pour s'élever, se soulever,

S'il nous poussait des ailes

Pour nous apprendre à s'envoler.

 

S'il suffisait d'avoir deux pieds

Pour rendre à la terre ses honneurs,

Se fondre à notre réalité

Pour qu'elle ne soit pas un leurre.

 

J'ai marché sur les chemins

Que mes visions avaient créés

N'y trouvant que des mains

Juste prêtes à frapper.

 

Que de ronces poussent ici,

Dans ce climat presque tropical

Des grandes villes d'asphyxie

Qui passent à l'heure végétale.

 

Les hommes comme les plantes,

Posés dans leurs appartements,

Se laissent pousser, fermentent

D'étranges comportements.

 

Ils en ont oublié le ciel

Qui a nourri quelques espoirs.

Depuis l'enfance artificielle

Ils ont appris à ne plus voir.

 

Ils en ont bafoué la terre.

Cœurs de béton, de ciment.

Serait-ce l'effet de serre ?

Ils dorment en vivant.

 

Dans cette crasse plus qu'animale

Qui ne laisse place à l'illusion,

Les croyances tendent vers le mal,

Les excès et la répression.

 

Tournés vers de futures saisons

Nous régressons pourtant sans fin.

Pensez aux grandes civilisations

Qui connaissent désormais la faim.

 

Nous croyons avoir des réponses

Qui mettent à mort le divin.

Mauvaises herbes et ronces

Ont elles aussi un destin.

 

S'il suffisait de regarder le ciel

Pour se faire un bel horizon !

C'est comme de balancer du sel

En cas d'affreuses prévisions.

 

Il faut avoir les pieds sur terre,

Savoir se servir de ses mains.

Donnant trop foi à la poussière,

Nous ne sommes plus humains.

 

J'ai rencontré des créatures

Qui ignoraient ce qu'elles étaient.

Il y a de toutes les natures,

Il y a de tous les déchets.

 

Nombre de métamorphoses

Peuplent la nuit de nos cités.

J'y ai vu souvent des choses

Qui m'ont fait regretter...

 

D'avoir connu la fange,

Ses galeries, son labyrinthe,

Ces endroits où tout dérange,

De l'horreur et des feintes.

 

Des corps endommagés

À la perdition des esprits

Qui ne sachant plus où s'échouer,

Tournent à l'infini

 

Dans le si peu d'espace

Qu'ils ont pu s'octroyer,

Qu'ils se tiennent en rapaces

Où se laissent noyer.

 

Certains ont vu le ciel

De si près à vrai dire,

Icares intemporels

Je les ai vu mourir.

 

D'autres, amants de la terre

Se sont plantés d'un coup

Souvent dans un cimetière.

Ils auront fait leur trou.

 

Je marche sur le chemin

Que ma vision vient de créer.

Je vis au jour de demain,

Le présent ne m'a pas maîtrisé.

 

J'évite souvent le lierre,

Les trop de générosité,

Ils cachent souvent la pierre

Comme seule vérité.

 

Il me suffit de regarder le ciel

Pour entendre ses messagers.

L'imaginaire est bien réel

Quand on parvient à le fixer.

 

Je retourne vers ces terres

Qui jugent sans compromission.

J'ai peur de savoir qui je sers

Au bout de tant de mutations!

 

 

Iso Bastier

8/07/2000