Le marécage
Je ne sais plus où vont les choses
Je ne sais pas où va le temps
Porté par ce climat morose
Qui s'incline et qui s'étend
Les rues sont pluvieuses et sordides
Errantes, brumeuses et désertiques
Aux ombres pressées et timides
Qui filent dans un vent de panique
Tu faisais des détours nocturnes
Dans la ville encore vivante et sûre
Tantôt familière, tantôt taciturne
Parure parée, armure de murs
Tu dormais contracté en elle
Les cheveux couvrant le visage
Voyageur flou ou ménestrel
Vendant à qui veut ses images
Mais tu t'es montré infidèle
Lui préférant d'autres contrées
Les envies qui donnent des ailes
Ne cessent de se déployer
Tu l'as quittée sans au revoir
Sans même un geste de dépit
Sans lui jeter aucun regard
Pas une parole, pas un crédit
Tu l'as leurrée à contre-jour
D'un matin par trop fatigué
Prétextant d'aller faire un tour
Heure du retour non précisée
Ses occupants ensommeillés
Au réveil sourd, inexorable
L'ont remuée, l'ont bousculée
À coup de pieds et de cartables
La ville s'est repliée d'un coup
Sur la grisaille de ses pensées
Pleurant sur elle, déchirant en tout
Ce qui passait à sa portée
Elle a éteint ses lumières
Rétréci les murs, les quartiers
Formant un sinistre sanctuaire
D'hommes abêtis et meurtriers
Ne sais pas où va le temps
Où s'arrêtent les métamorphoses
Ni la colère des éléments
Quand c'est la terre qui explose
Les rues heureuses et candides
Qui s'illuminaient sur ton passage
N’ont plus de cœur, taries, arides.
La ville n'est plus qu'un marécage.
Iso Bastier
22/10/1994
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