samedi 22 octobre 1994

Le marécage

 


"Chinagoa" - Huile - [55X38] - Iso Bastier 



Le marécage

 

Je ne sais plus où vont les choses

Je ne sais pas où va le temps

Porté par ce climat morose

Qui s'incline et qui s'étend

 

Les rues sont pluvieuses et sordides

Errantes, brumeuses et désertiques

Aux ombres pressées et timides

Qui filent dans un vent de panique

 

Tu faisais des détours nocturnes

Dans la ville encore vivante et sûre

Tantôt familière, tantôt taciturne

Parure parée, armure de murs

 

Tu dormais contracté en elle

Les cheveux couvrant le visage

Voyageur flou ou ménestrel

Vendant à qui veut ses images

 

Mais tu t'es montré infidèle

Lui préférant d'autres contrées

Les envies qui donnent des ailes

Ne cessent de se déployer

 

Tu l'as quittée sans au revoir

Sans même un geste de dépit

Sans lui jeter aucun regard

Pas une parole, pas un crédit

 

Tu l'as leurrée à contre-jour

D'un matin par trop fatigué

Prétextant d'aller faire un tour

Heure du retour non précisée

 

Ses occupants ensommeillés

Au réveil sourd, inexorable

L'ont remuée, l'ont bousculée

À coup de pieds et de cartables

 

La ville s'est repliée d'un coup

Sur la grisaille de ses pensées

Pleurant sur elle, déchirant en tout

Ce qui passait à sa portée

 

Elle a éteint ses lumières

Rétréci les murs, les quartiers

Formant un sinistre sanctuaire

D'hommes abêtis et meurtriers

 

Ne sais pas où va le temps

Où s'arrêtent les métamorphoses

Ni la colère des éléments

Quand c'est la terre qui explose

 

Les rues heureuses et candides

Qui s'illuminaient sur ton passage

N’ont plus de cœur, taries, arides.

La ville n'est plus qu'un marécage.

 

Iso Bastier

22/10/1994


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